Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/471

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quelque difficulté sur son caractère ; mais l’exemple de tant d’évêques qui avoient des maîtresses avoit tellement frappé l’esprit de cette dame, qu’elle ne pensa pas seulement à lui en parler. Ainsi les choses allèrent le mieux du monde, et dans peu il prit dans son cœur la place que Roquelaure y avoit tenue. La raison en étoit plausible : c’est qu’il n’avoit point de femme avec qui il couchât tous les jours, raison qui, comme nous avons dit ci-devant, avoit arraché l’autre de son cœur. Roquelaure avoit trop d’esprit pour être longtemps sans s’apercevoir de ce commerce, et, comme la chose lui tenoit au cœur, il fut chez la duchesse, qu’il accabla de reproches. Elle se retrancha sur la négative, l’appela mille fois impertinent ; mais, toutes ces injures ne lui ayant pu faire prendre le change, il sortit outré, la menaçant de la perdre.

La duchesse en avertit aussitôt l’archevêque, qui, ne voulant pas donner le temps à Roquelaure de faire quelque folie, le fut trouver, et lui dit qu’ayant toujours été de ses amis, il espéroit qu’il lui accorderoit une prière ; qu’il ne s’amuseroit donc point à finasser avec lui, qu’il lui avouoit de bonne foi qu’il étoit bien avec madame d’Aumont, laquelle il savoit l’avoir aimé ; qu’il ne falloit prendre des femmes que ce qu’elles vouloient, et non pas prétendre les retenir par force ; qu’à ce qu’il pouvoit connoître, il étoit cause lui-même de ce changement ; qu’il ne devoit pas se marier ; qu’une belle femme comme madame d’Aumont n’aimoit pas à partager les caresses d’un homme avec une autre ; qu’enfin,