Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/512

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folle, Madame, lui dit-il, de vous en fâcher, comme si vous n’aviez pas à lui rendre le change ! S’il a fait une maîtresse, vous n’avez qu’à faire un galant, l’un vaudra bien l’autre ; et je crois que c’est là le meilleur conseil qu’on puisse vous donner. »

La marquise ne topa pas à la chose ; au contraire, elle fut fort surprise de le voir dans ces sentiments, lui qui devoit l’en détourner si elle eût été de cet avis-là. Ainsi n’ayant pas trouvé son compte avec elle, il prit le parti de s’expliquer mieux, ce qu’il fit en termes si intelligibles qu’elle ne douta point qu’il ne voulût être de moitié de la vengeance. Elle trouva cela horrible pour un archevêque et pour un oncle ; cependant, comme elle en recevoit du bien et qu’elle en espéroit encore davantage à l’avenir, elle ne jugea pas à propos de le mortifier, comme elle auroit fait sans cette considération. Cela le rendit encore plus amoureux, s’imaginant qu’il y avoit de l’espérance pour lui ; et, pour boucher les yeux tout à fait au mari, il parla de le défrayer, lui et toute sa maison.

Le marquis, qui rapportoit toutes ces bontés à la qualité d’oncle, et non à celle d’amant, en fut si touché qu’il en témoigna partout sa reconnoissance ; mais le maréchal son père[1], qui n’étoit pas tout à fait si dupe que lui, approfondissant les choses un peu mieux, il reconnut bientôt d’où partoient toutes ces libéralités. Il

  1. François de Créqui, maréchal de France, arrière-petit-fils du premier maréchal de Créqui, nommé dans la note précédente. François, maréchal de Créqui, mourut le 4 fév. 1687.