Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/514

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sa famille. Le Roi, qui n’avoit pas dit tout ce qu’il pensoit de l’intrigue du prélat avec la duchesse d’Aumont, fut fort fâché qu’il fît encore des siennes. Il fit appeler le marquis de Louvois, et, lui ayant demandé si son frère vouloit toujours ainsi donner du scandale, il lui commanda d’aller à l’heure même lui dire de sa part qu’il eût à s’en aller dans son archevêché. Le marquis lui répliqua qu’il étoit tout prêt d’obéir ; mais, comme il avoit affaire à un homme difficile à mener, il le supplioit d’en faire expédier l’ordre en bonne forme. Le Roi y consentit, et, une lettre de cachet ayant été faite sur-le-champ, le marquis fut trouver l’archevêque, et le salua d’abord de quelques plaintes bien fondées, l’accusant que pour l’amour de lui il falloit que le Roi se mît en colère ; mais, l’archevêque croyant qu’il avançoit cela de son crû, il se mit de son côté à lui reprocher ce qu’il avoit fait dans sa jeunesse ; tellement que c’eût été une affaire à ne pas finir si tôt, si le marquis de Louvois, tout en colère, n’eût coupé court à toutes choses en lui montrant la lettre de cachet[1]. Il fut fort surpris, et, n’ayant plus alors le mot à dire, il promit d’obéir. Le marquis de Louvois, ravi de l’avoir si bien mortifié, sortit après cela ; et le prélat, prenant le temps qu’on accommodoit toutes choses pour son départ, fut dire adieu à la marquise,

  1. On lit à ce sujet dans le Journal de Dangeau, sous la date du mercredi 22 mai 1686 : « Je sus que M. l’archevesque de Reims avoit fait sortir de chez lui le marquis et la marquise de Créqui, sa nièce, qu’il y avoit fait loger avec tous leurs domestiques et leurs chevaux, qu’il nourrissoit. La marquise s’est retirée chez le maréchal de Créqui, qui l’a très bien reçue, et qui l’emmènera à Nancy. » (T. I, p. 338.)