Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/55

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retraite ne se passèrent pas tous dans l’oisiveté. C’est ainsi que les Héros se faisoient autrefois ; les Dieux n’avoient point de lieu plus propre pour l’exercice de leurs amours que la campagne, et nous avons sujet de croire que le fruit qui naîtra de ce passe-temps n’en sera pas plus sauvage pour avoir pris son commencement dans les bois.

Le jour qui suivit cette partie de divertissement ne fut pas également heureux pour toute la cour, puisque le Roi et sa maîtresse ne le passèrent que dans la tristesse : cette belle se ressentant des fatigues de la chasse, ou, si vous voulez, des momens de la retraite, souffrit des maux de cœur fort grands et des douleurs de tête fort aiguës. Bien que son amant connût que ces maux ne seroient pas de durée, il y parut néanmoins aussi sensible que s’ils avoient été fort dangereux ; il ne la quitta point et agit toujours auprès d’elle en amant, mais le plus passionné du monde : il court, il va, il revient et semble mourir d’un mal qui ne le touche que dans ce qu’il aime. La tristesse de sa maîtresse le mit dans un abattement extraordinaire ; mais ce qui lui tira presque les larmes des yeux, ce fut lorsqu’au plus fort de la douleur mademoiselle de Fontange, attachant ses regards sur lui, lui dit d’une manière tendre et languissante : « Ah ! mon cher prince, faut-il que les douleurs suivent de si près les plaisirs les plus purs ? Ah ! il n’importe, poursuivit-elle, j’en chéris la cause et l’aimerai éternellement. » A ces paroles le Roi l’embrassa étroitement ; il étoit sur son lit, et, la serrant le plus amoureusement du monde, il lui jura que jamais il n’auroit d’autre maîtresse qu’elle,