Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/68

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marque à propos. Il apprit de sa belle que ce qui s’étoit passé au bal l’avoit un peu alarmée, et que c’étoit la seule cause de sa mauvaise humeur. Il lui fit voir le peu de sujet qu’elle avoit eu de s’affliger, l’assura qu’il n’aimeroit jamais qu’elle, et que le soupçon qu’elle avoit eu étoit le plus mal fondé du monde. « Eh quoi ! continua-t-il, est-il possible que vous connoissiez si mal les sentimens de mon cœur ? J’abandonne tout ce que j’ai de plus cher dans la vie. Ah ! c’est faire tort à mon amour que d’en avoir seulement la pensée, et vous ne le pouvez sans condamner mon jugement dans le choix que j’ai fait de votre personne. Non, je vous le dis encore une fois, ne jugez pas de l’amour que je vous porte par celui que j’ai témoigné à d’autres par le passé ; la différence vous en doit être connue si vous connoissez votre mérite. Croyez que, trouvant en vous seule tout ce qu’il y a d’aimable dans toutes les autres, je ne ferai rien contre mon intérêt, ma parole et mon inclination. — Ah ! Sire, quel plaisir n’ai-je point goûté par votre discours ! et qu’il est doux d’entendre de la bouche d’un prince si aimable des paroles si tendres et si obligeantes ! Mais aussi qu’il est difficile d’aimer un prince comme vous sans crainte et sans inquiétude ! Non, je ne puis posséder un cœur comme le vôtre sans en appréhender la perte ! C’est pourquoi excusez ma tristesse passée, et profitez de la joie que vous m’avez rendue en me confirmant dans la possession de votre cœur. » Elle dit ces dernières paroles en se jetant au cou du Roi, qui ne put résister plus longtemps à ses caresses ; il la baisa, il l’embrassa, et après tout ce badinage,