Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/84

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galant prisonnier, et sut si bien prendre son temps qu’un dimanche, pendant que ses parents étoient à la messe, elle se sauva avec lui, et ils trouvèrent tous deux le moyen de s’embarquer pour la Martinique[1], où d’Aubigné lui tint parole et l’épousa d’abord qu’ils y furent arrivés[2]. Pour tâcher d’y pouvoir subsister, il prit des terres pour un plantage, suivant la coutume de ce pays-là ; et de ce mariage naquit la dame de Maintenon, si connue dans le monde, et qui fait aujourd’hui tant de bruit à la cour de France. Cependant, soit qu’elle eût perdu son père et sa mère en bas âge, ou que sa marraine[3], qui n’avoit pas d’enfants[4], la prît en amitié, cette dame charitable[5]

  1. Le P. Laguille rapporte le motif de la fuite de Constant d’Aubigné, fuite qui fut précédée d’une dernière incarcération, pour vol et fausse monnoie. C’est dans la prison de Niort, où madame d’Aubigné suivit son mari, que naquit Françoise d’Aubigné. Sorti de prison en 1639, Constant d’Aubigné partit d’abord pour la Martinique. Il mourut sans doute dans l’île de la Grenade en 1646, et alors sa veuve revint à la Martinique, d’où elle passa à la Guadeloupe, puis à Saint-Christophe, où elle s’embarqua pour la France, selon les uns, où elle mourut, au dire du P. Laguille. Selon ce dernier, ce seroit une demoiselle Rossignol qui auroit fait passer en France les deux enfants orphelins de Constant d’Aubigné. Une troisième version, c’est que madame d’Aubigné auroit fait elle-même un voyage en France avec ses enfants, les y auroit laissés, et seroit retournée en Amérique, où elle seroit morte. (Voy. Variétés histor. et littér., t. 8, p. 60.)
  2. D’Aubigné étoit marié avant son départ pour l’Amérique.
  3. Françoise d’Aubigné avoit été tenue sur les fonts de baptême par le duc de La Rochefoucauld, gouverneur de Poitou, et par Françoise Tiraqueau, comtesse de Neuillant, dont le mari étoit gouverneur de Niort. Elle fut baptisée par un prêtre catholique.
  4. Sa marraine eut une fille que plusieurs poëtes du temps,
  5. On s’accorde à reconnoître la dureté de madame de Neuillant pour sa pupille.