Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/95

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voulut relire encore cette lettre, et la chercha pour cet effet dans sa poche. Rien ne sauroit décrire son étonnement lorsqu’elle ne la trouva pas. Elle courut d’abord au lieu où elle l’avoit lue pour la seconde fois, mais elle ne s’y rencontra point. Ce fut alors qu’elle ne douta plus d’être entièrement perdue dans l’esprit de sa dame ; mille pensées différentes déchiroient son âme, et elle déchut en peu de jours de l’embonpoint où elle étoit auparavant. Sa dame, qui l’aimoit, en voulut savoir la raison ; elle lui supposa quelque incommodité, et ne lui dit jamais la véritable. Il n’y avoit que notre vieille Agnès qui en savoit la cause ; elle voulut aussi y apporter le remède, et, s’étant transportée dans la chambre de la malade : « Eh bien ! Guillemette, lui dit-elle, vous ne m’avez pas voulu dire l’autre jour, auprès du bois, le sujet de votre chagrin, et je crois que jamais je ne l’eusse su si le hasard ne me l’eût appris en me faisant trouver cette lettre, qui m’a éclaircie de tout. Il n’y a qu’elle qui cause votre chagrin, mais elle a été en de bonnes mains ; la voilà que je vous remets ; personne ne l’a vue que moi. Je vous ai toujours été affectionnée, et je vous la serai toujours ; mais, pour correspondre à mon amitié, il me faut faire votre confidente et ne me rien cacher de vos intrigues. » Guillemette prit cette lettre avec joie, et elle ne contribua pas peu à la remettre, puisque son changement ne provenoit que de l’appréhension que sa dame n’eût vu la lettre ; ensuite elle remercia Agnès et lui fit une entière confidence de toutes choses. La vieille ne contredisoit à rien ; au contraire, elle tomboit entièrement dans ses sentiments,