Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/97

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Depuis que je vous vis je n’ai point de repos,
Jour et nuit je souffre martyre ;
Au lieu que ci-devant je ne faisois que rire,
J’ai peine à prononcer deux mots.
Soulagez mon tourment, allégez mes douleurs,
Faites par un aveu dessécher tous mes pleurs,
Et me rendez par là ma liberté nouvelle.
Donnez donc votre arrêt en juge de mon sort,
Et qu’un oui ou un non soit ma vie ou ma mort
Et prononcez en douce, et non pas en cruelle.

Il donna ceci ensuite à un autre valet, espérant qu’il s’acquitteroit mieux de sa commission que le précédent. Il arriva à leur château, et, après s’être acquitté de quelques légères commissions dont il étoit chargé, il épia le temps de trouver Guillemette seule, et il eut le bonheur de la rencontrer ainsi dans les parterres. Il s’en approcha, et, d’abord l’ayant saluée avec une apparence de profond respect, il lui dit qu’il avoit ordre d’attendre la réponse. Elle connoissoit ses livrées, et ce fut ce qui lui fit penser si elle recevroit la lettre ou non ; mais le porteur la sut si adroitement persuader qu’il l’obligea de la prendre. Toute la réponse néanmoins qu’il put tirer d’elle fut qu’il n’en auroit point. Ainsi, lassé d’attendre, il fut obligé de se retirer et de s’en retourner auprès de son maître, qui ne sut pas plus tôt le succès de sa seconde lettre qu’il mit au plus tôt ordre aux plus pressantes de ses affaires, et se prépara pour partir le lendemain de grand matin, comme en effet il partit, et arriva au logis de cette dame.

D’abord il lui fut rendre ses devoirs, et n’y resta