Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/99

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elle se laissa vaincre et lui promit de s’y employer d’une manière dont il auroit sujet de se louer.

Guillemette, d’ailleurs, qui ne se méfioit de rien, après avoir lu sa lettre, chercha une occasion favorable pour la communiquer à sa confidente Agnès, suivant sa promesse. Elle la trouva qui venoit de conduire le marquis. D’abord elle lui montra la lettre, et lui demanda ce qu’elle en pensoit. « En vérité, mon enfant, dit-elle, j’ai du déplaisir de n’être pas jeune, et propre à plaire : un amant si sincère ne se tireroit pas de mes filets, et Dieu sait comme je ménagerois cette fortune. Je te donne en amie le même conseil ; fais ton profit de cette affaire, et ne le rebute point tant : car il pourroit s’attacher à quelque autre, qui prendroit d’abord l’occasion aux cheveux. » En un mot, elle lui allégua tant de raisons, et la sut si bien persuader, qu’elle promit à l’avenir de correspondre aux avances du marquis. Notre vieille ne fut jamais plus aise ; elle lui écrivit d’abord l’état où étoient les choses ; ce qu’il n’eut pas plus tôt appris qu’il se prépara à donner une visite à sa malade, à laquelle ayant rendu ses respects, il sortit pour se promener dans le jardin, où il rencontra d’abord notre vieille Agnès, qui lui fit un récit fort ample de ce qui s’étoit passé, et lui apprit en même temps qu’il pourroit voir Guillemette, d’autant qu’elle étoit seule dans sa chambre. Il y courut d’abord, et la trouva en effet occupée à travailler à son linge. « Enfin, Mademoiselle, je me puis compter le plus heureux des hommes, puisque j’ai, dit-il, un moment pour vous expliquer les véritables sentiments de mon cœur : ils sont sincères et purs,