Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

en bergers et en bergères, les autres en guerriers et en amazones, d’autres en sauvages[1], et chacun prit la forme qui lui convenoit le mieux, ou qu’il jugea la plus propre à ses desseins. On n’a pas bien su quelle fut celle du grand Alcandre et de la comtesse, mais on sait bien que cette dernière ne put pas se déguiser si bien que son amant ne sût les habits et le masque qu’elle devoit prendre. Il seroit trop long de dire tout ce qui se passa dans cette belle mascarade. Chacun y joua son rôle à la faveur de la nuit, de l’épaisseur des arbres, et du masque qu’il portoit sur le visage. Tout cela rendoit aussi les dames plus hardies, et les disposoit à être plus facilement trompées.

La Montespan ne manqua pas de se prévaloir d’une si belle occasion pour jouer à sa rivale quelque mauvais tour, et pour la perdre de réputation, si elle ne pouvoit la détruire dans le cœur du grand Alcandre. Elle sut, par le moyen d’une fille de la comtesse, qu’elle avoit gagnée, de quelle manière sa maîtresse se déguiseroit, et quel masque elle devoit porter. Elle pria cette fille de lui en donner un semblable, ce qu’elle fit ; et la Montespan imita si bien la comtesse dans tous ses ajustements, qu’il n’y a personne qui ne s’y fût trompé, car leur taille étoit à peu près la même, et quand il y auroit eu quelque différence, le déguisement empêchoit de la remarquer. Le dessein de cette malicieuse femme

  1. Voir sur ces costumes l’intéressant ouvrage de M. Ludovic Celler : Les décors, les costumes et la mise en scène au xviie siècle, 1 vol. in-12. Paris, Liepmannsohn et Dufour, 1869.