Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/111

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La Montespan, qui craignoit que le Roi ne l’eût tout à fait oubliée, fut la première à parler et à lui dire : — « Avouez, Sire, que vous êtes bien attrapé, et que mon masque vous a trompé ; vous avez cru d’être avec une autre, et le hasard a voulu que vous vous trouviez avec une personne qu’apparemment vous ne cherchiez pas. » Ce discours étoit assez ambigu, et on pouvoit l’appliquer à la comtesse ; aussi le Roi ne douta point que ce ne fût elle-même quand il vit son masque et ses habits ; et quoique la voix de celle qui lui parloit fût un peu différente de celle de la comtesse, il crut que le masque qu’elle avoit sur le visage faisoit cet effet. La prenant donc pour sa nouvelle maîtresse, il répondit à ce qu’on venoit de lui dire : — « Le hasard est quelquefois plus sage que nous, et puisqu’il m’a mené jusqu’ici, je veux bien m’abandonner aveuglément à sa conduite, et si vous m’en croyez, vous en userez aussi de même : profitons de cette belle occasion, ma chère comtesse. » En disant cela, il porta un de ses bras sur le cou de sa maîtresse, la serra fort amoureusement, et lui prit quelques baisers. La Montespan, qui vit que le Roi donnoit de lui-même dans le panneau, voulut se donner le plaisir d’une si agréable aventure ; et pour mieux imiter la comtesse, elle fit quelque temps la difficile. Le grand Alcandre, qui vouloit absolument se satisfaire, lui dit : — « Madame, vous savez à quel point je vous aime, une si longue résistance me va porter au désespoir ; votre vertu n’a que trop longtemps combattu, et j’attends aujourd’hui de vous la fin de toutes mes peines. —