Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/112

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Eh ! je croyois que vous ne pensiez plus à à moi, lui dit la fausse comtesse. — Et à qui penserois-je qu’à vous ? lui dit cet amant passionné ; vous êtes mon cœur et ma vie ; ne me faites donc plus languir ; je meurs si vous n’avez pitié de moi. »

La dame, à qui ce discours s’adressoit, rioit de tout son cœur, entendant parler ainsi le Roi. — « Contentez-vous, lui dit-elle, d’avoir un entretien secret avec moi. — Et de quoi me sert cet entretien, lui dit le grand Alcandre, qu’à me rendre plus malheureux, si je ne puis satisfaire mon amour ? Encore un coup, ma chère comtesse, prenez pitié d’un amant qui va expirer à vos pieds, si vous ne le soulagez promptement. Que je sois heureux au moins dans ce moment ; après cela, faites-moi tout ce qu’il vous plaira ; sacrifiez-moi, si vous voulez, à votre ressentiment ; je me figure avec vous des plaisirs infinis ; ne me les refusez pas, et s’il faut ensuite les payer de tout mon sang pour satisfaire ce vain honneur que vous m’opposez toujours, je suis prêt à le répandre. »

La dame, qui n’étoit pas une roche, et qui n’avoit pas accoutumé d’être si cruelle au grand Alcandre, l’entendant parler d’une manière si passionnée, s’imagina aussi elle-même des douceurs nouvelles, avec un amant si tendre et si éperdu d’amour ; et, quoique cela ne s’adressât point à elle, mais à sa rivale, elle fut bien aise d’en profiter, et de rappeler ces doux moments qu’elle avoit passés avec le Roi, la première fois qu’elle en fut aimée. Cependant, pour mieux jouer le rôle de la comtesse, elle se défendit