Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/117

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tiendra plus qu’à vous que je ne sois le plus heureux de tous les amants. — Je vous ai dit si souvent, lui répliqua la comtesse, que j’ai pour vous toute l’estime et toute l’affection que l’honneur me peut permettre ; vous devez, ce me semble, être content, et ne m’en demander pas davantage. — Il me semble pourtant, lui dit cet amant passionné, que, la dernière fois que je vous ai vue en masque, vous m’avez fait concevoir d’autres espérances ; est-ce qu’en reprenant vos habits ordinaires, vous avez repris cette cruauté qui me fait mourir ? — Je vous ai déjà dit, lui répliqua la comtesse, que je ne sais de quoi vous me parlez ; mais je veux bien vous apprendre que je suis toujours la même, et que le masque peut bien déguiser mon visage, mais non pas changer mon cœur ; apparemment vous aurez pris quelque autre pour moi. »

Le grand Alcandre, qui crut qu’elle se repentoit des avances qu’elle lui avoit faites la nuit précédente, ne voulut pas la presser davantage, de peur de l’aigrir, sachant que les femmes ne veulent jamais avouer leur défaite. Il cessa donc de lui parler d’une chose qu’elle vouloit désavouer, et il songea à faire naître une occasion semblable à celle qu’il avoit perdue, et surtout à en profiter mieux qu’il n’avoit fait.

Il ne l’eut pas plus tôt quittée, qu’il forma le dessein de continuer la mascarade dès qu’il feroit nuit, s’imaginant qu’à la faveur du masque et des ténèbres, il trouveroit sa maîtresse dans les mêmes dispositions pour lui, où il avoit cru la trouver la nuit précédente. — « Je vois bien, disoit-il en soi-même, qu’un reste de pudeur ne