Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/120

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ne voudroit pas pour rien au monde être reconnue seule avec un homme dans cet endroit écarté. Le Roi, qui n’étoit que trop prévenu de la délicatesse de la comtesse, pour ce qui regarde l’honneur et la réputation, n’eut pas de peine à croire que la modestie et la honte étoient la seule raison qui l’empêchoit de quitter son masque. — « Il n’importe, lui dit cet amant, demeurez comme vous êtes, puisque vous le trouvez bon, quoique je sois privé par là de la vue d’un objet si charmant. Je suis choqué seulement de ce terme de respect dont vous venez de vous servir ; laissons là le respect, je vous en prie, et donnez-moi quelques preuves de votre tendresse. »

En disant cela, il se mit à baiser sa gorge, puisqu’il n’en pouvoit pas faire autant à son visage. Elle le repoussa quelque temps, plus par ses gestes que par ses paroles, de peur de se découvrir. Enfin, après une feinte résistance, elle lui accorda tout ce qu’il voulut ; et cet amant qui crut posséder une nouvelle conquête, goûta des douceurs qu’il n’avoit point encore senties : ce qui fait voir qu’en amour, c’est l’imagination qui fait tout. Il ne pouvoit se lasser de caresser sa chère comtesse, et se croyant victorieux de cette fière beauté, il voulut se dédommager de tout le temps qu’il avoit perdu. — « Il faut avouer, disoit ce crédule amant, qu’il n’est rien de si doux qu’un bonheur qui a coûté tant de soupirs et tant de peines ! » Il trouvoit en sa

    usage, ils devaient tomber devant le Roi ou la Reine ; à plus forte raison les masques.