Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/121

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

maîtresse mille nouveaux charmes ; et cependant c’étoit cette même Montespan dont il avoit joui tant de fois, dont il commençoit même à se dégoûter, et qui lui donnoit pourtant mille nouveaux plaisirs sous cette nouvelle forme. Cette feinte comtesse profita, comme elle devoit, de l’ardeur excessive où étoit le Roi, et, quoique cela ne s’adressât point directement à elle, elle le recevoit à bon compte ; et si la jalousie ne s’y fût mêlée, elle n’auroit jamais été si satisfaite de l’amour du grand Alcandre. Au fond elle étoit jalouse d’elle-même, car la comtesse n’étoit là qu’un fantôme ; elle n’y étoit qu’en idée, et les plaisirs qu’elle goûtoit avec le Roi étoient tout-à-fait réels. Aussi voulant y répondre de son côté, elle l’embrassoit avec beaucoup de tendresse, et lui faisoit entendre par ses regards, plutôt que par ses paroles, qu’elle étoit aussi contente que son amant.

Après ces félicitations muettes qu’ils se faisoient l’un à l’autre de leur commun bonheur, il fallut se séparer ; un bruit importun, que ces deux amants entendirent, troubla cette petite fête. La dame, qui ne vouloit pas être découverte, sortit promptement de ce cabinet, et, traversant l’allée qui le joignoit, vint par un autre chemin se joindre à la compagnie.

Elle ne sortit pas pourtant si secrètement, que le comte de L…, mari de la comtesse, ne s’en aperçut. Il alloit avec la comtesse sa femme, vers ce même endroit, d’où on lui avoit dit qu’une femme, qui ressembloit à la sienne, étoit sortie assez en désordre la nuit précédente, ayant un homme avec elle. Il vit en effet que celle qui