Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tant de bontés que vous avez pour moi, que s’il ne falloit que ma vie, je suis prête à vous la sacrifier, pour vous marquer ma reconnoissance. Mais, grand Roi, cessez d’attaquer mon honneur, qui m’est plus cher que la vie, et puisque la gloire est le grand objet de votre ambition, ne m’enviez pas cette heureuse conformité avec le plus grand monarque du monde. Laissez-moi cet honneur qui est si cher à toutes les belles âmes, que vous soutenez vous-même avec tant d’éclat, et quelquefois au péril de votre vie. Souffrez qu’il tienne toujours la première place dans mon cœur, et ne m’enviez pas le seul bien qui peut me conserver votre estime, et un bien qu’on ne retrouve plus quand on l’a perdu. »

Le Roi, vaincu par de si beaux sentiments, répondit à la comtesse : « Vous avez des qualités qui me ravissent ; c’est trop peu que de l’amour, vous méritez d’être adorée ; et désormais je suis plus épris de votre vertu que je ne le suis de vos charmes. »

En disant cela, le Roi la prit par la main, la ramena lui-même dans son carrosse, et, étant rentré dans le sien, il continua sa promenade.

Depuis ce temps-là, il n’a plus parlé d’amour à la comtesse, et lui a donné, dans toutes les occasions, des marques de son estime.

Quand la Montespan le vit guéri de cette passion, elle lui apprit que c’étoit elle qui l’avoit trompé jusqu’à deux fois pendant les nuits de la mascarade ; et, comme il ne pensoit plus à la comtesse, il pardonna à la Montespan cette petite malice, et ne fit que s’en divertir avec elle.

Ce prince a dit depuis à ses plus chers confidents