Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

me reprocher, ne me faites point rougir de mes foiblesses. — Vous appelez foiblesses, lui dit le Roi, une insensibilité qui me tue. Que n’ai-je pas fait pour gagner ce cœur que vous défendez si bien, et que ne ferois-je pas encore si j’en pouvois venir à bout ? — Sire, lui dit la comtesse, il ne faut pas vous tourmenter pour une chose qui ne mérite pas le moindre de vos soins ; mais si, telle que je suis, vous pensez encore à moi, je veux bien vous parler à cœur ouvert, et vous dire, Sire, que tout puissant que vous êtes, vous ne l’êtes pas assez pour me faire commettre un crime. J’ajouterai même, que tout aimable que vous me paroissez, par mille belles qualités dont vous brillez, je n’oublierai jamais ce que je me dois. Enfin, je vous ferai cette confession que je vous ai déjà faite, que j’ai pour Votre Majesté tout le respect, toute l’estime, et si je l’ose dire, toute la tendresse qu’une sujette peut avoir pour son Roi ; mais, avec tout cela, n’attendez rien de moi qui puisse faire honte à mon sexe. »

Le grand Alcandre, entendant parler ainsi la comtesse, ne savoit plus que lui répondre : « Mais quoi, Madame, lui dit-il, ne me distinguerez-vous pas de tout le reste des hommes ? N’aurez-vous aucun égard à la passion d’un prince qui ne sauroit vivre sans vous, et qui donneroit tout son royaume pour gagner un cœur comme le vôtre ? — Je vous distingue si bien, lui dit la comtesse, que je n’ai jamais souffert, ni ne souffrirai jamais de personne ce que j’ai souffert de vous ; et je connois si bien le prix de votre affection, et les témoignages de