Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/136

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L’Amour, en fureur, voulant rompre son arc et son flambeau. — Ah ! Madame, je me désespère, et je ne veux plus servir le monde : je perds courage depuis qu’un grand Héros, autrefois favori des Dieux, n’est plus sensible à mes traits. C’est en vain que je frappe ; son cœur s’endurcit de plus en plus ; et Louis le Grand[1], ce redoutable vainqueur, qui triomphe si facilement de toutes les beautés du tendre empire, semble avoir formé le dessein de ne plus aimer ; j’en suis si chagrin, que j’ai résolu de briser mes armes et d’éteindre mon flambeau pour jamais.

Vénus. — Hélas ! mon enfant, que veux-tu faire ? que deviendra l’Univers ? C’est toi qui par tes soins empressés fournis de matière à tout ce qui l’anime, et sans ton secours la nature seroit aux abois.

L’Amour. — Je me soucie peu d’elle, après l’affront que j’ai reçu ce matin du Dieu des combats : Mars m’a reproché, d’un air peu agréable, que ce monarque n’étoit plus occupé que des lauriers qu’il lui donnoit, et que mon règne étoit achevé.

Vénus. — Mars n’a pas lieu présentement de parler si haut ; mais en vérité, mon fils, j’ai honte de tes foiblesses. Si le Roi n’aime plus, à qui en est la faute ? toi qui fais toutes choses, n’as-tu pu faire durer sa passion pour toujours ?

  1. Louis le Grand. Le surnom de Grand fut donné pour la première fois à Louis XIV en 1672, après la campagne, célèbre par le passage du Rhin, dont il fut le prudent témoin. Le président Le Pelletier fit frapper une médaille avec ces mots : Ludovico magno.