Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/144

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M. Bontemps. — Sire, souvenez-vous que la chair est foible et sujette à rebellion ; la volonté peut être, mais….

    encore si on le compare à tel passage du Théâtre italien que nous signalerons, pour montrer à quelle hardiesse de langage on étoit arrivé depuis l’époque où le Tartufe avoit été interdit. Nous en citerons un seul exemple, tiré du Banqueroutier, « comédie en 3 actes, représentée pour la première fois par les comédiens ordinaires du Roi dans leur hostel de Bourgogne, le 19e d’avril 1687. »

    « Perrillet. — Ne t’aperçois-tu pas d’un certain jeune abbé qui vient fréquemment au logis, et que…

    « Colombine. — Qui ? l’abbé Goguette ? ah ! Monsieur, n’en prenez point d’ombrage… Je me connois un peu en gens. Premièrement, c’est un garçon de qualité qui a dix mille écus de rente en bons bénéfices, et qui est bien aise de manger son revenu avec quelque sorte d’éclat. Il voit tout ce qu’il y a de jolies femmes à Paris. Il joue gros jeu ; son train est leste ; il a une belle maison, des meubles magnifiques, et un cuisinier qui dame le pion au vôtre. Ha ! le joli homme d’abbé que c’est ! Je voudrois que Madame vous eût dit comme il fait bien les choses.

    « Perrillet. — Ouf !… est-ce que ma femme sait cela ?

    « Colombine. — Bon, ils ne bougent d’ensemble… Rêvez-vous de croire que cet abbé soit amoureux parce qu’il fait de la dépense ? Non moins que cela. C’est qu’il a de l’ambition : et, comme dans le monde on ne parvient à rien sans l’estime et l’approbation des femmes, il fait de son mieux pour les mettre de son parti. Il les promène, il les régale, aujourd’hui à l’Opéra, demain à la Comédie. De l’air qu’il s’y prend, c’est un drôle qui s’avancera en fort peu de temps et qui se va mettre dans une grande réputation.

    « Perrillet. — Mais, Colombine, crois-tu qu’il ne se feroit pas autant de réputation en donnant une partie de son bien aux pauvres qu’en le mangeant avec les femmes ?

    « Colombine, riant. — Et d’où venez-vous, Monsieur ? est-ce qu’on se fait abbé pour donner l’aumône ? je pense que vous perdez l’esprit. N’est-ce pas une assez belle charité de faire vivre de pauvres diables de parfumeurs qui ne