Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/18

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aimé, lui dit alors ce monarque. — S’il n’y a que cela, lui dit le duc, Sire, parlez, et parlez bientôt, je vous réponds que vous serez écouté. Quelle est la dame qui ne s’estimât heureuse de donner des chaînes au plus grand monarque du monde, et qui ne se fît un plaisir de les soulager, et de les partager même ? Avez-vous trouvé jusques ici quelque chose qui osât vous résister : villes, châteaux, forteresses, ennemis, tout se rend à vous, tout plie sous vos lois[1], et vous craignez que le cœur d’une femme ose tenir contre un Roi toujours victorieux ? — Ah ! qu’il y a bien de la différence ! dit alors le Roi. — Oui, sans doute il y en a, lui répliqua La Feuillade, et il n’est pas besoin ici de tant de machines ; vous n’avez qu’à vous montrer, vous n’avez qu’à paroître, vous n’avez qu’à parler, vous n’avez qu’à dire j’aime, et l’on répondra d’abord[2] à votre amour. Avouez-le, Sire, ajouta-t-il, si vous avez rencontré peu de villes qui résistent, vous avez encore moins trouvé de femmes cruelles. — Il est vrai, lui dit le Roi, que je n’ai pas sujet de me plaindre de ma mauvaise fortune, et, en amour aussi bien qu’en guerre, les bons succès ont répondu toujours à mes espérances. Mais j’ai entrepris une conquête qui me paroît impossible ; cependant, je ne puis m’en désister, et si je n’en viens à bout, je vois

  1. Nous sommes en 1672, époque des dernières couches de la Reine, et jusque-là, en effet, les armes de Louis XIV n’avaient pas encore connu les revers qui devaient attrister la fin du règne. — Voy. plus loin, p. 31, note 16.
  2. D’abord, immédiatement.