Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/17

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rougir, et cette rougeur, qui se répandoit sur ses joues, ne servoit qu’à relever l’éclat de sa beauté, et qu’à augmenter le feu de ce prince qui n’étoit déjà que trop amoureux. Ce monarque, qui étoit expérimenté dans l’art d’aimer, voyoit bien que cette rougeur, qu’il remarquoit sur le visage de sa maîtresse, ne lui présageoit rien de bon, et qu’elle étoit d’une autre espèce que celle que l’Amour peint lui-même dans un cœur enflammé, à l’approche de l’objet qu’il aime. Il voyoit, à travers ce voile éclatant, toutes les marques de la pudeur, de la sagesse, de la modestie et de la chasteté ; mais il y remarquoit aussi une secrète indignation d’une vertu offensée, qui se voit attaquée par des regards criminels. Des présages si funestes à l’amour de ce grand Roi le faisoient trembler quelquefois, tout intrépide qu’il est. Enfin, ne pouvant plus renfermer un feu qui devenoit tous les jours plus violent, par le soin qu’il prenoit de le cacher, il résolut de se découvrir au duc de La Feuillade[1], espérant par là trouver du soulagement, et d’en recevoir quelque conseil salutaire à son amour. — « Ne suis-je pas malheureux, dit-il un jour à ce duc, d’aimer sans oser le dire, mais d’aimer jusqu’à la fureur[2] ? — Et qui vous empêche, Sire, de parler, lui dit ce fidèle favori ? — Le respect, l’amour, la crainte de déplaire à l’objet

  1. Voy. t. II, pp. 74, 400, et à la table. — On connaît la fanatique adoration du duc de La Feuillade pour Louis XIV ; quant à ses complaisances en fait d’amour, le Roi, qui avoit peu de sympathie pour lui, ne lui auroit pas fait l’honneur de les lui demander ou de les accepter.
  2. Jusqu’à la folie.