Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/224

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que pour se bien porter il ne faut point voir de femmes ? Et comment s’en passer ? Sans elles la vie est à charge, et nous devons au beau sexe les plus doux moments que la nature a formés.

M. Fagon. — Cependant, Sire, ces doux moments en font quelquefois naître de bien mauvais, et le tempérament foible et destitué de forces ne doit se servir des femmes et du vin que très-peu, seulement pour lui réjouir le cœur.

Le Roi, en riant. — Croyez-vous, Monsieur, que j’en use autrement ?

M. Fagon. — Je ne sais, Sire, l’excès que Votre Majesté fait, mais l’un et l’autre sont dangereux.

Le Roi, lui prenant la main. — Monsieur, reposez-vous sur ma conduite, j’ai du ménagement dans mes passions.

Mme de Maintenon, à demi bas. — Pas trop.

Le Roi continue. — Je vous suis pourtant infiniment obligé de la part que vous prenez à ma santé.

M. Fagon. — Sire, ce n’est pas, comme Votre Majesté le peut croire, un autre motif qui me fait agir, que l’envie de voir régner plus longtemps votre personne Royale, tant pour la satisfaction de ses peuples, que pour la mienne ; quel coup sensible ne seroit-ce point pour nous, si nous avions le malheur de perdre un Roi si doux et si débonnaire ?

Mme de Maintenon. — Ah ! Sainte-Vierge qu’entends-je ? Vous avez grand tort, Monsieur, de nous faire un tombeau de douleurs avant le temps.