Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/244

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foi, et veux bien me flatter que vous m’aimez ; mais souffrez en même temps que je vous dise que je ne donnerai mon cœur qu’avec de grandes précautions ; il faut, outre la sincérité, une longue persévérance pour l’obtenir véritablement.

Le Roi. — Je sais fort bien, Mademoiselle, que plus un bien est précieux, plus il doit se faire désirer longtemps ; ce seroit une grande témérité d’oser l’espérer entièrement du premier abord ; mais aussi il est certaines dispositions favorables, sans lesquelles un amant perd courage dès sa première poursuite. Dites-moi donc ingénuement, mon bel ange, sentez-vous quelque chose qui vous parle en ma faveur ? Ne me déguisez point la vérité.

Mlle du Tron. — Hélas ! Sire, qu’un pareil aveu coûte à faire à une personne de mon humeur ! est-il nécessaire de m’expliquer sur un secret que je voudrois que l’on devinât ? mes yeux, qui sont les interprètes de mon cœur, ne vous ont-ils pas assez parlé ? un prince aussi spirituel comme vous, a dû dès le premier jour entendre leur langage à demi-mot.

Le Roi. — Le langage des yeux trompe si souvent, que l’on ne doit pas toujours les croire, et il est très-facile de s’y méprendre ! D’ailleurs, Mademoiselle, je vous avoue que je ne suis pas assez pénétrant pour pouvoir me flatter de bien développer leurs mystères. Faites donc, s’il vous plaît, comme s’ils ne m’avoient rien dit ; que votre bouche m’explique, de grâce, ce qu’ils ne m’ont pas fait comprendre assez clairement, et qui pourroit décider de mon repos.