Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/254

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C’est donc avec raison qu’il faut défendre le tort que l’on fait à ce pauvre enfant en lui tirant son plus bel ornement.

Amour infortuné songe à tes intérêts ;
L’on ne sent plus pour toi l’honneur et les respects.
Tout est perdu, si cela continue.
Ramène-nous des siècles plus doux,
Où l’on verra plus de retenue,
Et qui dureront toujours.

La durée dans les choses du monde est presque impossible. On la souhaite assez dans ses termes et ses expressions, et si nous avions un bien qui sût une fois nous charmer sensiblement, nous ne voudrions jamais le quitter. C’est pourquoi l’auteur de la nature a prévu cet attachement comme criminel, et nous a donné toutes choses changeantes et variables et de peu de durée.

Les philosophes sont fondés sur de bons principes, quand ils regardent tout avec indifférence, et qu’ils n’aiment que le présent. Cependant, parmi nous, ces sentiments sont condamnés, et l’on seroit mal instruit, si l’on vouloit les suivre.

Laissons donc pour une autre fois ces idées, et voyons avec plaisir toutes les galanteries de notre prince. Examinons-en le tour et la délicatesse, et disons qu’il est le seul au monde qui a su aimer si tendrement ; mais présentement son cœur est rempli de sentiments pieux qui ont banni la tendresse humaine de ses idées[1]. Ce

  1. Ce libelle a été publié en 1695. — C’est à peu près le temps où la pièce précédente place les amours du Roi avec Mlle du Tron.