Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/261

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changez de sentiments, et soyez plus sensible pour un prince qui ne respire la vie que pour vous. »

Quelque temps après ce billet, Sa Majesté, qui ne peut souffrir l’absence de ce qu’il aime, alla voir sa belle chez Madame, que le comte de Guiche entretenoit.

Les Demoiselles qui étoient avec La Valière se retirèrent par respect ; si bien que Sa Majesté demeura seule avec cette belle, et lui dit tout ce qu’un amour tendre et violent peut faire dire à un homme qui a de l’esprit et de la passion. Il l’assura mille fois que sa flamme seroit éternelle et qu’il ne changeroit jamais.

Madame, qui apprit la conversation que le Roi avoit eue avec La Valière étoit au désespoir[1] : — « Quoi, disoit-elle, préférer une petite bourgeoise de Tours, laide et boiteuse, à une fille de Roi, faite comme je suis ! [2] »

Elle en parla à Versailles aux deux Reines en femme vertueuse qui ne vouloit pas servir de commode[3] aux amours du Roi. La Reine-Mère dit qu’il en falloit parler à La Valière, ce qu’elles firent avec tant d’aigreur que notre aimable bergère se résolut, dès ce triste moment, de se mettre dans un couvent. Elle [y] demanda d’abord une chambre, où elle pleura amèrement.

  1. Nous rentrons ici dans le texte du Palais-Royal, t. II, p. 41 et suiv.
  2. Sur l’amour de Madame pour le Roi, voy. t. II, p. 99.
  3. Le dictionnaire de l’Académie françoise (5e édition) admet ce mot dans le sens où il est employé ici, c’est-à-dire de complaisante. Ni Richelet, ni Furetière dans leurs diverses éditions, ne l’ont enregistré.