Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/262

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Il arriva en ce temps-là à Paris des ambassadeurs pour le Roi d’Espagne qui étoient avec le Roi dans la salle où l’on les reçoit d’ordinaire avec plusieurs personnes de qualité. Le duc de Saint-Aignan[1] dit au marquis de Sourdis[2], assez bas : « La Valière est en religion. » Notre Monarque, qui avoit entendu ce nom charmant qui avoit frappé ses oreilles, tourna la tête tout ému et tout pâle, et demanda au duc ce qu’il disoit, qui lui répartit que Mlle de La Valière étoit en religion à Chaillot[3].

Par bonheur, les ambassadeurs étoient expédiés, car dans la douleur où étoit le Roi il n’eût eu aucune considération. Il commanda qu’on lui fit venir un carrosse, et sans l’attendre il monta aussitôt à cheval. La Reine qui le vit partir lui dit qu’il n’étoit pas maître de lui. — « Ah ! reprit le Roi, si je ne le suis pas de moi, Madame, je le serai de ceux qui me chagrinent. » En disant cela, il courut à toute bride à Chaillot, où il demanda sa jolie mignonne qui vint à la grille, avec un air tout pénétré de langueur et de tendresse. — « Ah ! lui cria le Roi, de la porte, ma charmante enfant, vous avez peu de soin de ceux qui vous aiment ! » Elle voulut répondre, mais les larmes l’en empêchèrent. Le Roi, l’ayant embrassée tendrement, la pria de sortir promptement. Elle s’en défendit d’une manière fort touchante, en racontant le méchant traitement de Madame et des Reines. Notre

  1. Voy. t. II, p. 8.
  2. Voy. t. II, p. 42.
  3. Sur cette première retraite à Chaillot, voyez t. II, p. 42.