Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/296

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avec un transport de joie inconcevable, j’ai eu le bonheur d’entretenir Son Altesse royale toute la matinée. C’est la plus adorable princesse qui ait jamais été au monde. Ah ! quel bonheur, continua le comte de Lauzun, d’un air tout passionné, si un mortel avoit quelque part à son souvenir ! Ce seroit la plus grande félicité où il pourroit aspirer. — Je vois bien, comte, dit notre Monarque en riant, que tu ne serois pas fâché que ma cousine de Montpensier eût un peu de sensibilité pour toi. Pousse ta fortune[1], je te promets de te servir partout. — Ah ! Sire, répartit le comte, avec un profond respect, je sais trop ce que je dois à mon Roi pour avoir des pensées si hardies : je me fais seulement une idée toute charmante du plaisir qu’un prince auroit de posséder une personne aussi engageante que Mademoiselle, s’il étoit né digne de Son Altesse royale. »

Le Roi qui se leva interrompit le comte qui fut avec Sa Majesté au Louvre, et qui l’entretint longtemps sur plusieurs affaires différentes, qui firent passer d’agréables moments à notre prince ; et comme le comte de Lauzun a l’esprit fort enjoué et fort galant il a le don de plaire au Roi plus qu’aucune personne de la Cour. Pendant que Sa Majesté étoit absente, madame de Montespan, ayant essuyé ses beaux yeux qui étoient baignés de larmes, prit une plume et fit

  1. Ces mots « poussez votre fortune » sont prêtés à Mme de Montespan, dans le Perroquet ou les Amours de Mademoiselle. — Le Roi les répète, après Mme de Montespan. Voy. II, 261. Mais, d’après ce dernier libelle, c’est en 1670 que cet entretien auroit eu lieu.