Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/295

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toute l’indifférence possible ! » Cette passionnée amante disoit ces paroles avec des manières si engageantes, qu’elle toucha le cœur du Roi, qui lui dit en l’embrassant : « J’ai le cœur, Madame, tendre et constant, et je veux vous aimer toujours ; mais lorsque la raison condamne ma tendresse, je dois entendre ce qu’elle me dit, et renoncer à l’amour qui trahit mes vertus. Ma gloire a des appas qui triomphent de tout. Vous saurez, Madame, qu’un engagement plus long qu’il ne peut être est ordinairement suivi de la froideur. — Je ne le reconnois que trop, Sire, interrompit madame de Montespan, en répandant un torrent de pleurs, que votre cœur n’est plus que de glace pour moi. C’est en quoi j’accuse souvent mon infortune, me trouvant la plus malheureuse de toutes celles qui respirent le jour. Ah ! qu’il est dangereux de vous connoître et difficile de vous oublier ! »

Le comte de Lauzun qui entra brusquement fit changer de discours à nos amants. Notre Monarque demanda au comte d’où il venoit. — « Vous le savez, Sire, » répondit Lauzun, en riant. — « Il est vrai, dit le Roi, que je sais le lieu charmant où l’amour vous guide : comment se porte ma cousine[1] depuis hier ? Admirablement bien, Sire, répondit notre amoureux comte,

  1. Mlle de Montpensier. En cette année 1681, Lauzun quittoit Pignerol, où il avoit été enfermé dans le temps où Fouquet y étoit lui-même, et venoit prendre les eaux à Bourbon, où il rencontra Mme de Montespan. Il ne reparut devant le Roi qu’en 1682. Toute la conversation qui suit est imitée d’un passage analogue qu’on a pu lire au t. II, pp. 259 et suiv.