Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/306

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quittée. Je sais que si vous l’aviez plus aimé, vous l’auriez engagé davantage ; car il veut qu’on l’aime tendrement, et celle qui possède son cœur présentement est pour lui tout de feu. — Ah ! Sire, s’écria madame du Lude, que l’amour est difficile à contenter ! cet enfant crie toujours et n’est jamais content. J’ai marqué au comte incessamment une tendresse égale ; mais non pas de ces emportements qui font perdre la raison. — C’est ce que nous demandons, Madame, dit Sa Majesté, quand nous aimons. Nous ne pouvons souffrir des cœurs froids qui raisonnent. Il faut aimer avec chaleur un amant, quand vous voulez qu’il vous aime. »

Madame de Maintenon, qui entendit en entrant ce mot d’aimer, dit en saluant le Roi : — « Sire, c’est en vain que vous vous défendez de l’amour, car vous le mettez toujours sur le tapis. — Ah ! Madame, répartit la comtesse du Lude, l’on ne peut parler que de ce qui plaît. Quand les conversations commencent à mourir, ce Dieu les ressuscite par son enjouement. — Cette vivacité, Madame, répliqua la marquise, n’est plus du règne de notre prince. Il a renoncé aux traits de l’amour, et son cœur est à l’épreuve de ses coups. — Madame, lui dit en riant la comtesse du Lude, quelques efforts que nous puissions faire, notre résistance est vaine. Quand la nature nous a donné un cœur sensible, il aime tout ce qu’il trouve aimable, tant qu’il a de la vie. Cependant, Madame, reprit la marquise de Maintenon, les passions diminuent avec l’âge. Ah ! Madame, répliqua madame du Lude, nous revenons toujours à notre principe qui est cet amour naturel.