Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/305

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bois, je considérois le peu de durée de l’aimable verdure de ce bocage, ayant réfléchi solidement, je fis ce quatrain :

Tout change, enfin, et le cœur le plus tendre
Ne peut faire vivre sa passion toujours.
L’on n’a point encor vu d’éternelles amours,
Et le temps à venir ne doit pas en attendre.

— Vous faites, dit le Roi, d’une manière obligeante, la dixième Muse. Il faut un mérite aussi charmant que le vôtre pour augmenter la beauté du Parnasse. Apollon, ce Dieu des lumières, vous doit chérir uniquement, puisque vous embellissez son rocher et ses fontaines ; aussi Pégase vous donne-t-il de son eau de cristal pour vous rafraîchir dans vos exercices poétiques. — Je vous dirai, Sire, répondit la comtesse, que j’aime passionnément la poésie. Je trouve que c’est le langage des dieux : voici encore des vers que l’inconstance du comte d’Armagnac m’a fait faire :

Taisez-vous, mes soupirs sensibles,
Vous me causez de la douleur,
Et mon cœur est trop susceptible
Aux doux charmes de mon vainqueur.
A quoi servent ces sentiments,
Puisque l’ingrat est un volage ?
Quand on a perdu ses amants,
Les soupirs doivent être sages.

— En vérité, Madame, interrompit le Roi, vous êtes toute divine, et c’est un charme puissant de vous entendre parler. Un cœur peut-il se défendre à des attraits si doux qui le demandent ? Ah ! je condamne extrêmement le peu de discernement du comte d’Armagnac en vous ayant