Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/31

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ce qu’elle avoit dit, et qui savoit avec quel homme elle avoit à faire ; mais c’est que les maris, qui sont des autres nous-mêmes, nous disent sincèrement ce qu’ils pensent des qualités qu’ils trouvent en nous. Ils ne les exagèrent ni ne les atténuent, mais nous en parlent naturellement. — Croyez-moi, Madame, répliqua le duc, ils font ce qu’ils peuvent pour les amoindrir ; ce sont des maîtres qui ne veulent pas louer leurs esclaves, ou plutôt des gouverneurs qui veulent tenir dans la dépendance celles qui sont sous leur conduite ; ou, si vous voulez que je vous donne une plus noble idée de l’autorité qu’ils exercent sur leurs femmes, je me servirai des paroles d’un grand poète de notre temps, qui fait dire à sa Pauline dans le Polyeucte,

Tant qu’ils ne sont qu’amans, nous sommes souveraines,
Et jusqu’à la conquête ils nous traitent en Reines ;
Mais après l’hyménée, ils sont Rois à leur tour.

— Qu’ils soient Rois tant qu’il vous plaira, répondit la comtesse, nous ne sommes pas de simples sujettes ; nous partageons avec eux cette royauté. — Cela est vrai, Madame, répliqua le duc ; mais vous n’avez plus cet encens, ces hommages, ces respects, ni même ces marques d’amour et de tendresse… — Ce que nous avons, dit-elle, est au moins plus sincère, plus solide et plus durable. — Dites plutôt, Madame, dit le duc en l’interrompant, que les empressements d’un amant ont toutes ces qualités, parce que ce n’est pas le devoir, mais l’inclination qui les produit. Rien n’oblige un autre homme à vous dire qu’il vous adore, qu’il meurt