Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/32

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d’amour. C’est le cœur qui parle, c’est l’amour lui-même qui dicte ces paroles à l’amant. Mais un homme qui est lié à une femme par le sacrement, se sent obligé à dire qu’il l’aime, quand même il auroit de l’aversion. Tout ce qui est un effet du devoir nous doit paroître suspect. Et c’est pour cela qu’on dit que les Rois ont tant de peine à distinguer les vrais amis des flatteurs, parce que, comme nous leur devons toutes choses, et qu’ils ont un pouvoir absolu sur nous, ils ne sauroient jamais bien connoître si c’est la crainte, ou si c’est l’amour qui nous fait agir. — Ce que vous dites là, reprit la comtesse, fait contre vous ; car comme l’affection qu’un Roi témoigne à son sujet doit être la plus sincère de toutes, par la raison que vous venez de voir, qu’il n’y a rien qui l’y oblige, celle de nos maris, qui sont nos souverains, selon vous et selon Corneille que vous venez de citer, doit être de la même espèce. — Nous voilà d’accord, Madame, reprit le duc, et j’entre aussi bien que vous dans ce dernier sentiment. Oui, plus la personne qui nous aime est au-dessus de nous, plus l’amour qu’il nous témoigne doit être sincère et véritable, et plus nous lui en devons être obligés. Après cela pourriez-vous douter, Madame, qu’un grand Roi, qui est adoré de tous ses sujets, redouté par ses ennemis, et qui est l’admiration de toutes les nations étrangères, n’ait pas pour vous les derniers attachements, puisqu’il vous l’a témoigné de la manière du monde la plus soumise et la plus respectueuse ? — Et qui vous a dit, reprit la comtesse, avec un air fier et froid, que le Roi a de l’attachement