Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/322

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intervalles, des charmes de mademoiselle de Grancey, à dessein de réveiller sa passion et de le rendre plus enjoué, ce que le Roi essaya, mais ce fut en vain ; car ce Prince n’étoit plus propre pour la galanterie. L’après-dîner que la marquise avoit laissé cette charmante mignonne avec Sa Majesté à Trianon, jamais le Roi ne se trouva si triste. Il soupira plusieurs fois en regardant cette belle, et mêla incessamment un jeu de piquet qui étoit sur la table, à quoi mademoiselle de Grancey lui dit en souriant : « Sire, Votre Majesté auroit plus de plaisir si j’étois de la partie. — Je le veux, répondit ce Monarque, ma belle enfant ; mais vous perdrez, car j’ai assez la fortune à mes gages. — Qu’importe, Sire, répondit notre aimable, en rougissant ; il me sera fort glorieux de vous être redevable. » Le Roi se trouva embarrassé dans cette entrevue plus que jamais il n’a été ; mais madame de Maintenon, qui croyoit que la tendresse de son Prince avoit retrouvé la vie, entra en souriant, et dit à mademoiselle de Grancey : « Eh bien ! ma mignonne, comment avez-vous passé le temps depuis mon absence ? — Fort bien, madame, répliqua-t-elle, je n’ai point trouvé de quoi m’ennuyer aujourd’hui. — Ah ! mademoiselle, répartit le Roi, vous avez bien de la bonté, et vous êtes bien facile à excuser les défauts d’une personne qui vous aime, mais qui n’est plus à lui comme autrefois. — A qui êtes-vous donc, Sire ? répartit la marquise ; faites-moi la confidente de vos souffrances ; mademoiselle n’en sera pas jalouse, car elle a trop d’esprit pour ne pas savoir qu’un Prince peut aimer tous les