Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/327

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fort rares dans la jeunesse où vous êtes. D’ordinaire, dans l’âge tendre, l’on a peu de sentiments raisonnables. — Ah ! Sire, il ne faut pas tant donner d’encens à mademoiselle, sans lui dire aussi ses petits défauts. Elle est cruelle à ses amants jusqu’au dernier point, leur défendant l’usage des soupirs, qui est leur ôter la vie. Car, qu’ils soient sincères ou non, les galants de ce siècle ne marchent jamais sans cet ornement. »

Sa Majesté ne put s’empêcher de rire de la raillerie de la marquise, qui dit encore plusieurs autres choses fort spirituelles sur le même sujet. Toute la matinée se passa très-agréablement. Mademoiselle de Grancey, qui chante parfaitement bien, dit des airs nouveaux fort tendres, que le Roi trouva justes et bien proprement chantés. — « Mais, dit madame de Maintenon, il ne manque rien à cette jolie enfant qu’un peu d’amour. Si elle aimoit, elle seroit accomplie. — Le temps, répondit notre Monarque, rendra à mademoiselle le cœur sensible. La nature n’a pas formé un objet si charmant pour ne pas aimer. »

Le jour suivant, le prince de Condé et le marquis de Vannes[1] furent longtemps avec Sa Majesté à conférer sur des affaires militaires. Le Roi nomma plusieurs nouveaux officiers, tant de cavalerie que d’infanterie, afin de remplir les

  1. Lisez : le marquis de Rannes, Nicolas d’Argouges, lieutenant-général des armées du Roi, colonel-général des dragons ; il avoit épousé Charlotte de Bautru. Il fut tué en Allemagne en 1678, laissant un fils qui exerça dans l’armée des emplois considérables.