Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/326

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je vous en prie, dit la belle écolière, car je sens que mon cœur ne s’accorde point avec les leçons que vous me donnez. Vous savez que s’il n’est de la partie, tout ce que l’on entreprend n’est pas bon. — Oui, ma mignonne, ce que vous dites est vrai, répliqua la marquise ; mais il faut tâcher de se rendre maître de ce cœur rebelle et l’apprivoiser avec la raison, qui veut que vous fassiez quelque chose pour votre fortune. Souvenez-vous, ma chère bellotte, que nous ne sommes plus dans le temps où une fille croyoit avoir fait un crime irréparable de songer à l’amour. L’on accommode à présent ce Dieu avec l’intérêt par une aimable vicissitude. »

La marquise de Maintenon n’eut pas plus tôt achevé de donner ces jolies instructions à mademoiselle de Grancey, qu’elle la mena au lever du Roi. Cette charmante enfant étoit ce jour belle comme un ange, et dans un certain air de négligé qui la rendoit tout adorable. Dès que notre Prince la vit, il lui dit : — « Ah ! mademoiselle, vous ferez aujourd’hui bien des misérables. Votre présence est redoutable aux pauvres humains. — Qui, moi ? Sire, répartit cette incomparable, en riant, j’ai pourtant le cœur fort sensible à la compassion et n’aime pas à voir souffrir les affligés. — Vous voyez, Sire, interrompit madame de Maintenon, que, parmi le grand nombre des qualités éminentes qui ont été données à mademoiselle, elle possède encore la pitié et la charité, qui sont de toutes les vertus les plus parfaites. — A la vérité, ma belle mignonne, dit le Roi, en la regardant assez tendrement, des mouvements si héroïques et si nobles sont