Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/340

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Tout le soir se passa avec assez de délices, à la réserve de nos amants, qui étoient observés du comte, et qui ne pouvoient rien se dire de tendre que par le langage de leurs yeux, qui faisoient tous leurs efforts à parler secrètement. Et comme M. de Souche avoit la vue fort courte, le bonhomme ne pouvoit pas bien remarquer les mouvements passionnés de ces interprètes muets, qui disent plus que l’éloquence la plus polie.

Le comte de Souche, qui se défioit un peu que le maître aimoit son écolière, mais cependant qui ne faisoit aucun jugement téméraire, sachant bien que sa femme étoit tout aimable, et qu’il étoit impossible de la voir sans sentir quelque chose de particulier pour elle, voulut pourtant l’éprouver. Ce mari jaloux feignit d’aller à la chasse une après-dîner qu’il faisoit un temps admirable, et, comme dans la forêt où il couroit toujours des bêtes sauvages, il y avoit au milieu un endroit ravissant pour la rêverie, à cause d’un ruisseau qui couloit agréablement sous cet ombrage, c’étoit ordinairement le lieu le plus charmant que la comtesse trouvoit et qu’elle appeloit ses délices, quand elle forma le dessein, avec M. Desnué, d’aller se délasser l’esprit des leçons qu’elle prenoit, dans ce bois solitaire, espérant que le comte étoit bien loin, et qu’elle pourroit à loisir goûter à l’écart les charmes de l’amour.

Tout cela étoit assez bien pris, si la jalousie n’avoit pas inspiré au comte des soupçons, ce qui le fit cacher derrière les buissons les plus épais, et pour entendre la conversation que Mme de Souche auroit avec le maître déguisé, qui dit à