Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/341

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la belle tout ce qu’un amour violent est capable d’inspirer et de sentir. Notre belle, après un long entretien qu’elle eut avec son galant, qui ne roula que sur les tendres sentiments de son cœur et sur la constance de son amour, fit mille caresses passionnées au prince de Vaudemont, qui paroissoit tout charmé dans cet agréable moment, et qui dit à sa charmante maîtresse, d’un air doux et sensible, que de tous les plaisirs de la vie, celui qui le touchoit le plus étoit les aimables caresses d’une jolie femme ; que même cette qualité tenoit lieu de mérite à celle qui n’en avoit pas, et que l’indifférence en aimant étoit quelque chose d’insupportable. — « Quoi, mon cher, reprit la comtesse en souriant, peut-on aimer bien et avoir de l’indifférence ? Comment accommodez-vous le contraire de l’amour ? — Madame, répartit M. Desnué, il y a des femmes qui sont dissimulées au dernier point, et qui aiment tendrement leur amant, et qui seroient au désespoir de le leur faire connoître, soit par un motif de honte ou par celui de la gloire, ce qui est la plus grande foiblesse du monde ; car il n’y a rien de si naturel que d’aimer, et même de toutes les passions l’amour est le plus noble, étant l’âme de tout l’univers, qui seroit inanimé sans ce dieu. — Il est vrai, mon cher, continua la comtesse en l’embrassant, que les plus charmants plaisirs que la nature a inventés sont ceux que l’on goûte en aimant. Ah ! que la fin d’un tendre amour laisse de vide dans la vie ! et qu’un cœur vers la raison fait un triste retour, quand il ne sent plus ces brûlants transports qui l’animent !