Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/351

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que vous avez quitté les plaisirs de la vie. Vous serez malheureux tout le reste de vos jours. »

Le frère Antoine vouloit comme embrasser la belle mignonne par un transport de passion, quand la marquise de Maintenon entra, qui trouva au frère jésuite les yeux tout remplis d’un beau feu, que sa tendresse amoureuse lui faisoit naître et qui le rendoit tout brillant. Madame de Maintenon lui en sut bon gré, croyant que cette vivacité venoit de la force de sa dévotion. — « Eh bien ! mon frère, combien avez-vous dit de prières à notre malade. » — Madame, répondit le frère tout confus, j’en ai dit autant que Mademoiselle en a voulu. Je finissois les litanies de la Vierge, quand vous êtes entrée. — Je suis fâchée d’avoir interrompu une si charmante dévotion, répartit la Marquise ; mais vous pouvez continuer, je serai un de vos auditeurs. »

Le frère, qui n’avoit point envie de dire des prières, et qui n’en savoit peut-être pas beaucoup, aimant bien mieux lire quelque jolie petite histoire amoureuse que ses matines, prit congé de notre abbesse, en lui disant adroitement qu’il fît encore quelque autre visite à des malades qui l’attendoient, et que comme le révérend père du Sort[1] ne pouvoit plus sortir à cause de sa vieillesse, il falloit qu’il le soulageât un peu. — « Vous avez des sentiments bien pieux et bien charitables, mon frère, répondit madame de Maintenon ; c’est un bon commencement pour un jeune religieux. Je prierai Saint-

  1. Nom imaginaire.