Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/356

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Et leur peut en l’aimant faire à tous concevoir
Un bonheur sans égal et même inexprimable.

Mademoiselle de Bourbon fut toute surprise de voir dans sa tablette des vers écrits d’une main inconnue et qui faisoient une partie de son portrait, le marquis ne l’ayant pas voulu achever, afin d’avoir encore un sujet une autre fois de la surprendre, ce qui lui étoit assez difficile, car cette adorable perfection étoit fort réservée et ne voyoit point le monde, étant très-souvent à la campagne, à un beau château qui lui appartenoit, à deux lieues de Saint-Germain.

Le marquis se sentant éperdûment amoureux, et ne pouvant être assez heureux pour jouir de la présence de son incomparable, prit les habits de la jardinière, à qui il ressembloit beaucoup, et que depuis longtemps il ménageoit pour ce dessein. Mademoiselle de Bourbon étoit accoutumée à venir tous les matins cueillir des fleurs dans le jardin et à passer quelques heures dans l’entretien rustique des paysannes qui venoient cultiver les parterres du jardin. Le marquis déguisé s’étoit mis dans un coin pour tirer de méchantes herbes qui gâtoient des jasmins et des orangers, quand notre belle, qui aimoit passionnément ces petits arbrisseaux, fut trouver celle qui les accommodoit dans une propreté sans égale, et lui dit, en riant : « Ah ! ma chère, que vous êtes propre au jardinage ! je n’ai point encore vu une personne si adroite que vous. »

Le marquis, qui se sentit le cœur ému de ces douceurs, lui répondit, en copiant la paysanne,