Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/43

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sans savoir bien la cause de tous ces mouvements, que la présence du Roi n’avoit pas accoutumé de lui causer auparavant. Ce prince amoureux, qui soupiroit depuis longtemps après un tête à tête avec la comtesse, fit connoître à ceux qui étoient à sa suite qu’il vouloit l’entretenir en particulier pour une affaire qui la regardoit. A ce signal chacun se retira, et les deux suivantes de la comtesse en firent de même, quand elles virent approcher le Roi. Il ne l’eut pas plus tôt abordée, et jugé qu’il ne pouvoit pas être entendu de personne, qu’il lui dit d’un air passionné : — « Avouez, Madame, que ce lieu solitaire est tout-à-fait propre pour entretenir les tristes pensées d’un amant infortuné. — Comme je n’ai jamais éprouvé ces sortes d’infortunes, lui dit la comtesse, je ne sais que vous en dire. — Si vous l’ignorez par votre propre expérience, lui dit le Roi, vous devriez au moins le savoir par celle que vous en faites faire aux autres. — Je ne sais pas, répondit alors la comtesse, ce que les autres sentent pour moi ; mais s’il y en avoit quelqu’un qui fût dans l’état où vous dites, il feroit fort bien, s’il me vouloit croire, de mettre son esprit en repos, et de ne penser plus à moi. — Eh ! peut-on s’empêcher de penser à vous, répartit le Roi précipitamment, lorsqu’on a vu ces charmes que vous ne sauriez cacher ? Où peut-on avoir l’esprit en repos lorsqu’on sait qu’on aime une inexorable ? — Oui, sans doute on le peut, reprit la comtesse, lorsqu’on veut écouter la justice et la raison. — Et quelle justice, dit alors le Roi, nous défend d’aimer ce qui est aimable ? — Celle qu’on se doit