Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que votre état soit tel que vous venez de le dire, je puis bien vous assurer que, s’il ne falloit que ma vie pour vous rendre heureux, je suis prête à vous la sacrifier. Mais comme Votre Majesté prétend autre chose, je veux qu’elle sache que je renoncerois à mille vies, si je les avois, plutôt que d’abandonner ce qui m’est plus cher que la vie, et que le repos de mon Roi. » Elle accompagna ces paroles d’un ton si ferme, que le cœur du Roi en trembla, voyant qu’on ôtoit à son amour toute sorte d’espérance. Ce qu’il y avoit ici de rare, c’est que l’un et l’autre crurent ce qu’ils se disoient d’obligeant ; mais ni l’un ni l’autre n’en furent contents. La comtesse étoit persuadée que le Roi l’aimoit autant qu’on le peut, mais cela ne faisoit que l’inquiéter. Le Roi, de son côté, ne douta pas que la comtesse n’eût pitié de ses maux ; quelques larmes qu’il vit couler de ses beaux yeux en étoient des témoins fidèles ; il crut sans peine que la protestation qu’elle lui faisoit de sacrifier sa vie pour son repos, partoit du fond de son cœur ; mais aussi il ne croyoit que trop ce qu’elle avoit ajouté, que son honneur lui étoit plus cher que tout le reste, et c’est là où il ne trouvoit pas son compte. Il dissimula néanmoins, et, suivant la méthode qu’il avoit déjà marquée à son confident, il confirma à cette vertueuse comtesse ce que le duc de La Feuillade lui avoit protesté de sa part : qu’il bornoit tous ses désirs au seul plaisir de la voir, de l’aimer, et de lui parler de son amour. — « Vous m’offrez votre vie, pour procurer mon repos, lui dit ce prince amoureux ; c’en est trop, généreuse comtesse ; vous me puniriez