Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/56

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charmes en vous, qu’il n’y remarquera plus ; vous voilà déchue de vos prétentions, si tant est que vous ayez aspiré à cette gloire, tant recherchée des dames, d’être la maîtresse du Roi. »

La confiance que le comte avoit en la vertu de sa femme le faisoit parler ainsi. Il avoit raison de s’y confier ; mais s’il avoit su que le Roi brûloit pour elle, et qu’elle en étoit bien informée, il n’auroit pas eu tant d’assurance, connoissant, comme il faisoit, la fragilité du sexe.

Cette petite aventure qui venoit d’arriver au Roi et à la comtesse, servit d’entretien à la cour durant quelques jours ; mais tout ce qui s’en dit ne fit aucun tort à la vertu de cette dame, et personne ne soupçonna que le Roi en fût amoureux. On crut seulement qu’il vouloit se divertir, par l’occasion agréable qui s’offrit à lui, sans avoir d’autre dessein. Il n’en étoit pas de même du duc de La Feuillade, qui savoit l’attachement du Roi pour cette comtesse. Il n’ignoroit pas pourquoi le Roi s’étoit ainsi émancipé ; mais il regrettoit pour ce prince d’avoir si mal réussi, et il blâmoit dans son cœur la cruauté de la dame. Le lecteur peut bien juger qu’il y en avoit un assez grand nombre à la cour, qui auroient voulu être à sa place, qui n’auroient pas eu tant de honte qu’elle de se montrer en cet état aux yeux du Roi, ou qui, pour cacher cette honte, auroient fait semblant de dormir.

Tandis que les Messieurs et les Dames s’entretenoient de cette affaire, et que chacun en jugeoit selon son humeur, le Roi étoit fort inquiet,