Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/55

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ses plaisirs avec son honneur ; car, ayant toujours dit que vous étiez endormie, on n’avoit rien à vous reprocher ; c’est la volonté qui fait tout en ces affaires, et la vôtre n’y ayant point de part, vous étiez innocente au jugement du monde. — Sans mentir, lui dit la comtesse, vous me donnez là de belles leçons ; il me prend envie d’en profiter une autre fois. — Il n’est plus temps, Madame, lui dit le comte, qui étoit toujours en humeur de railler ; on sait déjà que vous êtes extrêmement chatouilleuse, et que vous avez le dormir fort délicat, et que le mouvement d’une mouche suffit pour vous éveiller. Et puis, ajouta-t-il, qui osera désormais vous approcher, puisque vous ne pouvez souffrir les caresses du Roi ? — Voulez-vous que je vous dise ce qui en est ? répliqua la comtesse, qui vouloit plaisanter à son tour. Quand on dort, on ne sait ce qu’on fait ; mais si le Roi se fût présenté à moi quand j’étois éveillée, peut-être que je n’aurois pas été si cruelle, et que j’aurois mieux reçu ses caresses. Je vous prie, Monsieur le comte, de lui en faire mes excuses. — Vous ferez cela mieux que moi, répondit le comte, ou, pour mieux dire, il n’y a point ici d’excuse à faire. Que savez-vous si le Roi trouveroit en vous les mêmes agréments quand vous seriez éveillée, qu’il a pu y remarquer lorsque vous dormiez ? vous savez que ces sortes de choses dépendent entièrement du caprice ; un certain air négligé ravit quelquefois un cœur que toute la parure d’une dame ne sauroit jamais attraper. Ainsi consolez-vous, vous avez manqué votre coup ; le Roi trouvoit alors de certains