Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/58

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la vit rougir, dès qu’elle aperçut le Roi, puis baisser doucement les yeux par une espèce de honte, tourner quelquefois la tête d’un autre côté, parler à bâtons rompus, paroître distraite, inquiète, interdite ; avec tout cela, il n’y remarqua rien d’ennemi, et il jugea seulement que le souvenir de ce qui s’étoit passé le jour précédent la déconcertoit un peu.

Ce fut la cause que le Roi se priva quelques jours de la voir, pour lui donner le temps de se remettre. Mais ne pouvant vivre si longtemps sans l’entretenir de quelque manière, il lui écrivit ce billet :

« Quelque envie que j’aie de vous parler, je n’ose pas l’entreprendre ; les derniers discours que vous me tîntes sont si terribles pour moi, que je n’oserai jamais me présenter devant vous, si je n’en ai une permission signée de votre main, qui porte l’absolution de mon crime. Je l’appelle ainsi par rapport à vous ; mais si vous consultez l’amour, si vous consultez votre miroir, au lieu de blâmer mon trop de hardiesse, vous louerez ma discrétion et ma retenue. Je veux bien pourtant soumettre mon jugement au vôtre, et je l’attends avec impatience afin de m’y conformer et de régler ma conduite là-dessus. »

La comtesse reçut ce billet, et y répondit ce peu de mots :

« On vous pardonne tout, parce que vous êtes Roi. Je récuse le tribunal de l’amour, c’est un petit étourdi qui ne juge que par caprice. Si vous me voulez voir, ne consultez plus un si méchant conseiller. Consultez plutôt la sagesse, la justice et la raison, et l’on vous écoutera. »