Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/59

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Quoique ce billet n’eût rien de tendre, le Roi parut en être satisfait, et c’étoit assez que la comtesse lui permît encore de la voir, sauf à lui à tenir les conditions où elle l’engageoit. Mais en amour, on promet tout, et souvent on ne tient rien.

Le Roi se voyant ainsi rétabli dans les bonnes grâces de sa maîtresse, ne songea qu’à pousser son premier dessein. Ce ne furent que bals, que festins, que carrousels, que parties de chasse, pendant le séjour du Roi à Fontainebleau ; et tout cela se faisoit en faveur de la comtesse. Quoiqu’elle n’eût aucun dessein de rien accorder au Roi, elle n’étoit pas fâchée d’en être aimée ; elle sentoit même que, si elle étoit capable de quelque engagement, ce seroit plutôt pour le Roi que pour toute autre personne ; elle admiroit sa bonne mine, son port, et ces manières nobles qui accompagnoient tout ce qu’il faisoit ; elle trouvoit qu’il faisoit tout en Roi, et ce dernier caractère étoit plus propre pour gagner une dame qui étoit fière naturellement. Mais sa vertu lui étoit d’un grand secours, qui arrêtoit le penchant qu’elle avoit pour le Monarque. Elle l’aimoit peut-être autant qu’aucune de ses maîtresses, qui n’avoient rien de réservé pour ce prince ; et si le Roi eût pu voir son cœur, il y auroit peut-être vu autant de tendresse qu’en pouvoit avoir la Montespan et La Valière même. Mais, comme je viens de dire, sa vertu étoit un frein qui retenoit ses désirs, et qui lui faisoit un crime d’une tendresse qu’elle chérissoit dans le fond, et qu’elle ne put jamais étouffer.

Combien de fois a-t-elle souhaité de n’avoir