Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/60

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jamais vu le Roi ! Elle cherchoit en lui des défauts qu’elle pût haïr ; mais elle n’y en trouvoit pas ; de quelque manière qu’elle regardât ce Monarque, elle le trouvoit toujours charmant. Elle l’auroit voulu voir toujours, et elle ne craignoit rien tant que sa vue. Il lui sembloit que toute sa vertu l’abandonnoit quand elle voyoit paroître ce prince. « Pourquoi se contraindre, disoit-elle quelquefois en elle-même ? Suivons un penchant si doux : serai-je la seule ennemie de mon contentement ? Je suis adorée de ce que j’aime ; j’ai un mari commode[1] ; ma réputation est si bien établie que je n’ai rien à craindre de la médisance, et pourquoi donc ne suivre pas une passion qui a tant de charmes pour moi ? » Mais un moment après, elle se reprenoit, et faisant réflexion sur les suites funestes de ce fatal engagement : « Je serai, disoit-elle, l’une des maîtresses du Roi ; j’en suis aimée, j’en suis estimée aujourd’hui, et demain j’en serai méprisée. Il se dégoûtera de moi comme

  1. La conversation entre la comtesse et son mari, rapportée plus haut, permet en effet de le ranger parmi les maris commodes. Sous son enjouement percent quelques regrets.