Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/62

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tout endormie, et encore est-ce en tremblant ! mais que je me soucie peu que vous me croyiez redoutable ! je ne songe qu’à me faire aimer, et non à me faire craindre. — L’un ne va jamais sans l’autre, dit la comtesse, et vous en savez plus que moi sur cette matière. — Eh ! de quoi me sert toute ma science, dit alors le Roi, si je n’ai pas pu encore vous l’apprendre ni vous obliger à m’aimer ? — Je voudrois employer la mienne à vous guérir et à vous mettre en repos, lui répliqua la comtesse. — Pour guérir, lui dit le Roi, cela n’arrivera jamais, et, pour me mettre en repos, il ne dépend que de vous. — Je vous ai déjà dit, Sire, lui répliqua la comtesse, que s’il ne falloit que ma vie, vous auriez ce que vous désirez ; ne me reprochez donc plus que je suis insensible, et croyez que je suis plus à plaindre que vous ne pensez. »

Le Roi ne voulut pas la presser davantage de peur de l’irriter ; et elle se contenta de lui parler d’une manière ambiguë, et qu’on pouvoit également appliquer ou aux sentiments tendres qu’elle avoit pour le Roi, ou à l’importunité que lui causoit son amour.

Le lendemain de cette conversation, le Roi voulut se donner le plaisir de la chasse, où un grand nombre de seigneurs et de dames devoient accompagner Sa Majesté. Ce prince, qui avoit toujours son amour en tête, communiqua un dessein qu’il avoit au duc de La Feuillade, qui devoit aussi l’accompagner, afin qu’il employât toute son adresse à le faire réussir. Le jour ne fut pas plus tôt venu que tout se disposa pour cette chasse. On ne pouvoit rien voir de plus beau