Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/67

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moi, lui dit la comtesse, quand on saura que nous avons été tous deux ensemble dans ce lieu désert, l’espace d’une heure ? — Eh ! il n’y a qu’un moment que nous y sommes, lui dit cet amant passionné ; il paroît bien que vous ne vous plaisez guère avec moi. Et quand nous y serions deux heures entières, que craignez-vous ? la réputation de votre vertu vous met à couvert de tout. Ne craignez rien, Madame, ne craignez rien de ce côté-là ; donnons-nous entiers à l’amour ; tout nous y convie ; personne ne nous voit ici, et vous voyez un prince à vos pieds, prêt à expirer par la violence de sa passion, si vous n’avez pitié de ses maux. — Ce n’est pas pourtant ce que vous m’aviez promis, dit la comtesse, que vous n’attenteriez jamais rien contre mon devoir. — Ah ! cruelle, lui dit le Roi, que vous connoissez peu les lois de l’amour ? Est-ce à un esclave à tenir ses promesses ? Je ne suis plus à moi, je suis tout à vous, ma chère comtesse ; je me sens entraîné par une force irrésistible ; je ne suis plus maître de mes mouvements ; je ne puis que vous aimer, je ne puis que vous le dire, et je me sens mourir si vous ne prenez pitié d’un malheureux. »

Le Roi accompagna ces paroles de plusieurs soupirs et de quelques larmes, qui attendrirent le cœur de la comtesse. Elle aimoit ce prince ; mais elle ne pouvoit jamais se résoudre à lui abandonner ce qu’elle avoit de plus cher au monde. — « Si un amour réciproque vous peut contenter, lui dit cette sage comtesse, je vous ferai, Sire, une déclaration que je ne vous ai