Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/66

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Avouez, Madame, lui dit le Roi, que c’est un lieu bien charmant. — Je le trouve comme vous, répliqua la comtesse, mais il y a quelque chose de trop sombre et même d’affreux ; cela vient sans doute de ce qu’il est si peu habité. — Et quelle habitation plus belle, peut-on lui souhaiter, dit alors le Roi, que celle de votre charmante personne ? Il suffit que vous y êtes pour rendre ce lieu le plus beau qui soit dans l’univers ; et pour moi, je renoncerois de bon cœur à toute la magnificence de ma cour pour y passer toute ma vie auprès de vous. »

En disant cela, il prit une de ses belles mains qu’il serra passionnément, et qu’il baisa plusieurs fois avec une tendresse extrême. La comtesse n’eut pas la force de retirer sa main, soit que la crainte se fût emparée de son cœur, soit qu’aimant véritablement le Roi, elle ne crût pas lui devoir refuser cette petite faveur. Ce prince amoureux, qui n’avoit pas dessein d’en demeurer là, et qui vouloit pousser plus loin sa conquête, ne songea qu’à gagner toujours du terrain ; il mit sa main sur la gorge de la comtesse, et essaya de lui prendre quelques baisers ; mais elle le repoussa et lui dit d’un ton sévère : — « N’étoit-ce que pour cela que vous m’arrêtiez ici ? Je vous prie, Sire, remontons à cheval, et tâchons de rejoindre notre compagnie. — Et où voulez-vous aller, Madame ? lui dit le Roi. Nous ne savons pas la route qu’ils ont prise ; au lieu d’aller où ils sont, nous prendrons peut-être un lieu opposé ; le plus sûr est de les attendre ici, et nous les verrons bientôt paroître par quelque endroit. — Mais que dira-t-on de vous et de