Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/75

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aux moyens de ruiner une passion qui, selon toutes les apparences, lui devoit faire perdre son grand crédit et les bonnes grâces du Roi. Elle fit savoir au comte, par des voies indirectes, que sa femme recevoit des lettres d’un amant qui n’étoit pas à mépriser, et qu’elle, à son tour, lui en écrivoit de fort tendres.

Le comte méprisa d’abord cet avis, et, pour faire voir le peu de cas qu’il en faisoit, il voulut le dire à sa femme, et s’en divertir avec elle. — « Savez-vous, Madame, lui dit-il, qu’on me donne un rival, et un rival qui n’est pas à mépriser ? » La comtesse, qui ne comprit pas d’abord ce qu’il vouloit dire, lui demanda s’il avoit quelque nouvelle maîtresse. — « Ce n’est point cela, lui dit son mari, c’est vous-même qui avez fait un amant. » La comtesse rougit un peu, et le comte attribua cette rougeur à la pudeur de sa femme. — « Et quel est cet amant, dit-elle, qu’on me donne ? — On ne me l’a pas nommé, lui dit le comte, mais on dit que c’est un amant aimé, qui vous a souvent écrit, et à qui vous répondez d’une manière fort tendre ; je ne vous croyois pas si secrète dans vos amours. — Elles sont si secrètes, lui dit la comtesse, que je n’en sais rien moi-même, et je vous promets que dès que cet amant paroîtra, vous en serez averti. Mais, toute raillerie à part, ajouta-t-elle, est-il bien vrai qu’on vous a fait un pareil rapport ? — Il est aussi vrai, lui dit le comte, comme il est vrai que je n’en crois rien. »

Cela remit entièrement l’esprit de sa femme, qui s’étoit un peu alarmée ; et dès aussitôt que